L’actualité des dernières semaines dans les vignobles français a été assez chargée. Malheureusement, c’est pour une raison négative que l’on a parlé des vignes et des vignerons. C’est le fléau du gel qui a fait les gros titres de l’actualité et aucune région viticole n’a été épargnée. Les gelées tardives ont toujours été problématiques pour la production de fruits, en particulier de raisins et donc de vin. Pour bien le comprendre, nous allons voir quels sont les problèmes posés puis les types de gels et les zones gélives ou non gélives. Enfin, nous verrons quelles sont les conséquences et les moyens de lutte offert aux vignerons.
Pourquoi le gel pose-t-il problème dans les vignes ?
En automne et en hiver, le gel n’est pas un risque pour les vignobles. Il est même nécessaire pour faire tomber les feuilles du millésime précédent. Les pieds de vignes sont au ralenti, les branches sont « endormies ». Les bourgeons ne sont pas encore sortis. Rien ne peut mourir.
Le problème induit par les gelées se pose à partir du moment où la vigne reprend sa croissance. C’est-à-dire quand les bourgeons sortent et se développent. C’est ce qu’on appelle le débourrement. La vigne se réveille alors. C’est à ce moment que la plante est la plus fragile. Si elle gèle, les bourgeons meurent. Le débourrement de la vigne est lancé par l’augmentation des températures à la fin de l’hiver et au début du printemps. C’est donc la conjonction entre le redémarrage du vignoble et le gel qui est risquée pour la production de vin rouge et de vin blanc.
Or, avec le dérèglement climatique, le départ des ceps est plus précoce. Et les températures peuvent continuer à être négatives aussi longtemps qu’auparavant. On estime que les risques pour les vignobles sont fortement réduits à partir des « saints de glace », les 11, 12 et 13 mai. Les domaines viticoles sont donc de plus en plus exposés à des gelées dévastatrices. Le millésime 2021 a été marqué par des températures importantes pendant une semaine et des températures négatives la semaine suivante. C’est ce qui explique les événements récents.
Zones viticoles gélives, gels radiatif et advectif
Certaines parcelles de vignes et certains vignobles sont plus sensibles que d’autres au gel. Ainsi, les régions viticoles des Pays de la Loire, de Bourgogne et de Champagne ont davantage de risques que celles de Bordeaux ou du Languedoc.
Au sein du vignoble bordelais, certaines zones sont jugées peu ou pas gélives. C’est le cas par exemple des châteaux situés sur le plateau de Saint Emilion. Au contraire, le sud de la région viticole de Bordeaux a perdu 80% de sa vendange, pour le millésime 2021. Enfin, au sein d’un même domaine, des parcelles sont plus à risques que d’autres. Par exemple, celles qui sont entourées de haies. Cela s’explique par le fait que l’air froid est alors « prisonnier ». De même, les creux de terrains ou les fonds de vallées sont plus gélifs. En effet, l’air y stagne et se renouvelle peu. On distingue deux types de gels. Dans le vignoble de Bordeaux, comme dans celui de Bourgogne, les gelées des semaines précédentes ont été des deux sortes.
Gel radiatif
Le gel radiatif est dû aux échanges de chaleur entre le sol et le ciel. Il est favorisé par un temps clair. C’est le type le plus commun. Lorsque la nuit tombe, le sol cesse d’âtre réchauffé par les rayons du soleil. La terre perd donc sa chaleur par rayonnement thermique. S’il y a des nuages une partie de ces rayons reviennent sur la terre et la perte de température est plus faible.
Gel advectif
L’advectif est causé par une masse d’air froide et avec la présence de beaucoup de vent. Il est beaucoup plus difficile à maitriser. Ce gel est dû au passage de masse d’air froide qui passe et peut s’installer. Il n’y a pas d’échange de chaleur. Il se produit plutôt en hiver.
Les moyens mis en place pour lutter contre le gel dans le vignoble
Comme contre tous les fléaux, les vignerons essayent de lutter contre les gelées printanières. Malheureusement, les aléas climatiques sont difficiles à réduire. C’est particulièrement vrai pour le gel dans les vignobles. Il est souvent à l’origine de récoltes très fortement réduites voire inexistantes.
Lutter contre la température
Le premier moyen de lutte consiste à augmenter la température dans les vignes. Pour cela, deux méthodes différentes se sont développées.
D’abord le brassage de l’air avec l’aide d’hélicoptères, de tours antigel. L’objectif est de mélanger les masses d’air chaud et d’air froid. Ces techniques sont cependant très couteuses, plusieurs milliers d’euros par hectare, et seuls les plus grands châteaux peuvent les mettre en place.
Sinon, la température peut être augmentée avec des bougies placées à intervalle régulier dans la vigne. Le vignoble de Bourgogne en a donné des photos spectaculaires. Cela demande beaucoup de main d’œuvre pour allumer et surveiller. Ces méthodes sont cependant peu efficaces en cas de gelées très froides.
Ralentir le dégel des ceps
Le deuxième moyen développé par les vignerons est aussi le plus accessible. Il s’agit de faire brûler des bottes de foins dans les parcelles de vigne. Cela a pour conséquence de produire beaucoup de fumée. Elle sert alors d’écran au moment où le soleil se lève. Elle s’intercale entre les rayons solaires et les bourgeons du vignoble. En effet, le dégel trop rapide est encore plus néfaste pour les ceps. C’est la pratique la moins coûteuse.
Protéger les bourgeons de la vigne
Enfin, le troisième dispositif est l’aspersion d’eau de la vigne. C’est le plus efficace, c’est quasiment le seul qui fonctionne contre le gel advectif. L’objectif est de maintenir les bourgeons de la vigne à 0°C en les enveloppant de glace formée par l’eau. Cependant, il est difficile à mettre en place. Ce moyen n’est donc pas beaucoup utilisé par les vignobles français.
On peut citer quelques techniques supplémentaires beaucoup moins utilisées. Par exemple, l’utilisation de bâche antigel (non autorisée dans les appellations), la mise en place d’une bactérie antigel mais dont l’efficacité n’est pas prouvée…
Enfin, il existe des assurances contre les risques de gels et les autres dommages environnementaux. Mais, elles coûtent chers et la plupart des vignerons ne peuvent pas en contracter une.
Conséquences du gel pour les domaines viticoles
Selon la température et les conditions météorologiques, le gel tardif peut détruire l’intégralité des vendanges. En effet, si les bourgeons ont tous débourrés, il est possible qu’ils soient entièrement détruits. Dans ce cas, les bourgeons secondaires peuvent se développer sur les ceps. Cependant ce n’est pas l’assurance d’une récolte. Certains cépages ont des rameaux secondaires peu ou pas productifs en grappes, comme le chardonnay. Inversement, certains cépages voient leurs bourgeons secondaires souvent fructifier, c’est le cas du pinot noir.
Le gel peut donc toucher de 0 à 100% des vignes. Dans les meilleurs cas (jusqu’à 40% touchés), les vendanges pourront n’être quasiment pas impactées. Les vignerons récolteront les mêmes quantités qu’habituellement. En revanche, dans les pires configurations, il n’y aura pas de vendanges. Malgré tout, il faudra continuer de prendre soin de la vigne pendant tout le millésime.
Humainement, le gel des vignobles est également très néfaste. C’est une très grande source de stress pour les vignerons qui peuvent voir disparaître leur source de revenus en une nuit. De plus, ce travail de lutte dans les vignes est harassant. Il peut arriver que pendant plusieurs nuits d’affilée les membres d’une exploitation viticole veillent sur les vignes.
Le gel tardif dans les vignobles est donc un fléau contre lequel il est très difficile de lutter efficacement. De plus, les dérèglements climatiques favorisent un débourrement précoce et augmentent donc les risques liés aux gels. Ces catastrophes naturelles ont des conséquences diverses et souvent désastreuses.